Dernier refuge

Dieu c'est nous deux, l'un dans l'autre, les bras embrassés, enfin complet. Les draps qui se froissent, nos corps qui s'enlacent. Ce bonheur est comme une flêche qui nous tire vers le haut, tu le sens grandir dans ton ventre. Il veut transpercer ta gorge et t'emmener au ciel. Tes jambes blanches se croisent sur mon dos, le ciel vient à nous, ou est-ce l'inverse ? Qui sait. L'intention n'est pas perverse, elle a le regard d'une vierge. Et quand ses yeux se ferment, je sais qu'il est temps de me taire et d'aimer. Aimer. Jusqu'à la larme immaculée. Aimer, aimer. Jusqu'à saigner et à pleurer. Aimer, aimer. Jusqu'à s'endormir exténué. Aimer, aimer. Jusqu'à la petite mort.

Tu es faite pour que je t'aime. Regarde comme la courbe que dessine ta joue s'accorde avec ma lèvre. Et tes reins sont sculptés pour que mon corps vienne s'y échouer. Et le trajet de mes doigts dans tes cheveux est déjà dessiné. Tu es la moitié de mon coeur brisé. Je sais, je sais, parfois tu fermes les yeux et tu me dis que je te fais mal. Tu ne te sens pas la hauteur d'un amour absolu. Tu te sens piégé sous le poids de mes bras. Mais regarde un peu comme on a l'air entier quand on s'enlace. Sans toi, je suis à jamais l'incomplet. Et tous ces clichés que je débite pour la première fois m'habitent. Je sais maintenant que leur redondance à un sens secret, un sens caché.

Je sais que l'époque vomit des poètes comme des vers un peu saouls mal digérés. Je sais que personne n'aime plus quand on parle d'amour, qu'on se bouche les oreilles quand on entend toujours. On veut baiser. On veut boire. On veut être cool. Mais derrière tout ça, il y a cette grand lumière un peu dorée qui caresse nos courbes, qui incendie nos idées, qui nous rend beau, qui nous rend grand. Loin du dégoût que l'on veut inspirer. Loin de la torture qu'on s'inflige. Loin des reflets qu'on s'amuse à déformer. Nous sommes des martyrs parfaits. Nous sommes le ciel. Et plus aucun de mot n'a de sens. L'amour.

Ce n'est pas un rêve d'enfant.

Ta bouche rouge éclate

comme une tomate

entre mes lèvres

entre mes dents, le sang.

Je voudrais tes doigts qui dansent sur mon ventre et dessinent des usines, des nuages et des cygnes. Viens, viens à moi mon petit ange. Tes ailes comme des longs cheveux bruns s'embrassent dans le creux de mon cou. Vois mon sourire béat, mon sourire stupide, le plus fade des sourires qui s'évade sur mes joues. Tout mon être t'aime. Au supplice de paraître idiot. Au risque d'en perdre mes mots. A la torture de l'abnégation. La torture d'aimer.

Oui je suis saoul. Et tu es belle. Et demain matin, je serai sobre mais toi, tu seras toujours aussi belle.